THÈSE DE DOCTORAT

Sous titre
La justice face aux inégalités de genre au Burundi : une analyse sociologique des conditions de production des jugements en matière d'accès des femmes à la propriété foncière
Chercheur.e.s
Comité d'accompagnement
Charlotte Pézeril (USL-B)
Maria Martin de Almagro (Vesalius College et Université de Cambridge).
Thèse
La place du genre dans la question de la succession au Burundi : lecture sociologique
Date de début
Date de fin

Cette recherche a pour objectif de mettre à l’épreuve du terrain la question du rôle de la justice dans la reproduction/transformation des rapports de genre à travers le cas de la succession des femmes au Burundi. L’enquête vise en premier lieu à étudier dans quelle mesure en matière des jugements sur la succession impliquant les femmes, les normes et stéréotypes de genre qui gouvernent la transmission du patrimoine sont mobilisés par les juges dans les jugements qu’ils rendent. Dans un contexte de pluralisme juridique, il s’agit en second lieu d’étudier la place et l’influence des acteurs autres que les juges dans la fabrique des jugements.

La recherche se base sur des enquêtes de plus d’une année dans deux tribunaux de résidence du Burundi, l’un du milieu urbain (Kamenge) et l’autre du milieu rural (Mutambu). Les données sont constituées par l’étude des jugements (n=214) impliquant des femmes sur une période de 10 ans (de 2009-2018) et sur 93 entretiens, dont 40 avec des acteurs de l’espace judiciaire.

L’analyse comparée de ces données montre d’une part que le genre occupe une grande place dans les jugements rendus dans la mesure où les juges appliquent une jurisprudence qui consacre l’inégalité des genres. Dans certains types d’affaires, ils parviennent même à exprimer leur objectivité en appliquant les acquis de leur socialisation qui consacrent l’inégalité des genres. Dans tous ces cas, ils contribuent à reproduire les rapports de genre existant en matière d’accès à la terre. D’autre part, ils appliquent une jurisprudence qui reconnait l’égalité des genres surtout dans le milieu urbain et dans une moindre mesure dans le milieu rural pour certaines catégories de femmes et de biens. Cela revient à transformer les rapports de genre existants en matière d’accès au patrimoine. L’analyse des données montre enfin que bien que d’autres acteurs interagissent avec les juges au cours de certaines étapes du parcours de l’affaire, leur influence sur le jugement rendu reste très limitée et les juges restent les véritables acteurs de la production des jugements.

Cette thèse permet de conclure à l’ambivalence de la justice à l’égard du genre dans la mesure où elle permet d’une part à faire avancer les droits des femmes en matière d’accès à la terre, surtout dans le milieu urbain et d’autre part de les faire reculer  au moyen d’une jurisprudence inégalitaire en particulier dans le milieu rural.